L’improvisation : 4 – les relations entre les gammes et les accords

L’improvisation : 4 – les relations entre les gammes et les accords

Nous voilà à la 4° étape de cette série sur l’improvisation : les relations gammes accords.

Après avoir réfléchi à ce que veut dire improviser, après avoir discuté de l’importance de connaître la grille, et de la nécessité de savoir comment les accords sont construits, c’est le moment de parler des relations entre ces accords et les gammes qui les supportent, ou pas ?

Une première approche

Les relations gammes-accords ont déjà été traitées sur ce site sur cette page. C’est une première vision de ce que sont les relations gammes-accords. Cette analyse est centrée sur la gamme majeure et précise quelles sont les gammes compatibles avec un type d’accord donné. Je vous laisse lire cette partie si c’est l’approche que vous recherchez.

La fonction des accords

Une grille d’accords est une suite cohérente d’accords. Chacun de ces accords apporte quelque chose à l’édifice total, et ne dure que 2 temps, voire une mesure entière.

Si l’accord dure plus longtemps, alors une autre analyse est possible, mais commençons par le cas standard.

Accords de courte durée

Dans une gamme, les accords sont regroupés en 3 familles :

  • famille de tonique (le I, le II et le VI)
  • famille de sous-dominante (le II et le IV)
  • famille de dominante (le V et le VII)

Chacune de ces familles a un rôle.

Les accords de la famille de tonique apportent stabilité, placent la tonalité.

Ceux de sous-dominante apportent une modulation, et préparent un enchaînement. C’est une déstabilisation faible de la tonalité qui peut, soit être résolue en revenant sur la famille de tonique, soit amplifiée en passant à la famille de dominante pour plus de tension.

Les accords de dominante sont très instables et demandent une résolution forte vers un accord de la famille de tonique. Donc, si vous voyez un accord de dominante (accord 7 ou diminué ou altéré), alors si l’accord suivant est généralement un accord de tonique. Ce dernier vous indiquera alors la tonalité dans laquelle vous arrivez.

Par exemple, un G7 suivi d’un accord de C ou A-, alors la tonalité est C majeur.

Si dans la suite du morceau, vous voyez F7 suivit de B♭M7, alors vous modulez en B♭ majeur. Voilà pourquoi les accords de dominante sont si importants dans l’analyse de grille.

Prenons la grille suivante :

Exemple de grille avec changement de tonalité et 2 II-V-I

On voit dans cette grille 2 accords de dominante : le G7 et leF7.
Le G7 indique que la tonalité de destination est C majeur, et en effet, il est bien suivi de CM7.

De la même manière, le F7 indique une tonalité de B♭ majeur.

La première partie de 4 mesures est donc bien en C majeure. Une modulation est lancée en mesure 4 pour aboutir à la tonalité de B♭ majeur en mesure 5.

Cette partie se termine avec une modulation pour revenir en C majeur avec le G7 qui boucle sur le CM7 du début.

Cette simple grille fait intervenir 2 tonalités en l’espace de 8 mesures.

Les accords de longue durée

Dans un autre style, les grilles peuvent ne comporter que très peu d’accords, mais durer plus longtemps.

Le fait que l’accord s’étale sur plusieurs mesures permet beaucoup de choses que ne permet pas une durée courte. Une longue durée donne l’occasion faire sonner l’accord :

  • comme d’habitude, avec des couleurs standard
  • avec des tensions pour appeler une résolution
  • jouer avec les couleurs modales de l’accord

L’idée, ici, est de faire parler l’accord dans une variété de contextes pour varier à souhait l’expérience auditive.

Sonner standard

Chaque type d’accord possède un système de notes qui lui vont bien. Vous pouvez alors, sans tenir compte du reste des accords, jouer cet accord avec cet ensemble de notes.

Sur un accord M7

Prenons celui de CM7 par exemple. Les notes qui lui vont bien sont celles de la gamme de G, le mode lydien de C.

Les notes de C lydien sont C, D, E, F#, G, A et B. C’est le F# qui fait la différence. En effet, il n’est pas dans la gamme de C majeur, mais dans celle de G majeur. On joue le F# car le F ne passe pas du tout sur CM7 (la quarte juste sur un accord M7 de manière générale). En jouant F#, toutes les notes sont ok avec l’accord M7

Sur un accord -7

Prenons pour exemple l’accord de D-7. Ces notes sont D, F, A et C. Les 3 autres notes qui vont bien sonner avec lui sont la 9°, la 11° et la 13°, soit : E, G et B. En tout, le système de notes et : C, D, E, F, G, A et B, soit la gamme de C majeur, la gamme majeure de la 7° mineure, qu’on appelle aussi le mode dorien.

Sur un accord -7, on joue la gamme de la 7°, le mode dorien.

Pour les accords 7, -7♭5, 7#5 …

Traiter des accords de dominante, altérés et diminués, il faut consacrer une série entière tant il y a de choses à dire sur cet accord qui, finalement, est à la base de tout mouvement dans une grille. Pour cette partie, nous dirons que les notes qui vont bien aller dessus sont celles de la gamme de Bartok, aussi appelé lydien dominant, c’est-à-dire l’accord de dominante avec une quarte augmentée. C’est cette quarte augmentée et la septième qui va donner vie à cet accord.

Mettre de la tension

Chaque accord a son système de notes qui lui vont bien. Ceci ne vous empêche pas de jouer d’autres notes pour ajouter plus ou moins de tension.

Il faut cependant respecter certaines règles dont les curseurs sont personnels et feront votre son, votre style :

  • ne pas jouer ces tensions sur les temps forts
  • faire suivre la tension d’une résolution ⇒ jouer juste après une note de l’accord

Vous pouvez en jouer plus ou moins, c’est à votre goût qu’il faut se fier.

En plus des notes habituelles pour nos accords, il reste celles situées entre ces notes. La b9 par exemple pour retomber sur la tonique fera son effet. Tout comme b5/#4 pour retomber sur la quinte. Jouer ces notes, des chromatismes, pour pimenter votre accord, et toujours résoudre sur une note de l’accord, sinon, gare aux fausses notes. Comme je le disais, c’est aussi une affaire de goûts, et chacun met le curseur entre bonne note et fausse note en fonction de son ressenti, de ses habitudes.

Jouer modal

Un accord qui dure, ça laisse du temps pour exprimer ses envies (rester dans le ton, colorer légèrement ou tendre volontairement l’ambiance).

Pourquoi ne pas passer d’une sonorité à l’autre au cours du même exposé de l’accord ? puisque l’accord dure un moment, autant voyager dans des ambiances plus ou moins colorées.

Prenez « So What » de Miles DAVIS. 2 accords seulement : un pour la A et l’autre pour le B du AABA. La structure comporte 16 mesures de A, 8 de B puis 8 de A et c’est tout pour la grille, et le tout en boucle :

Grille de So What

Les accords sont D- et Eb-, 2 accords à 1 demi-ton d’écart : surprenant !
C’est comme si on changeait de gamme et qu’on montait d’un demi-ton!!!

Sur D-, les possibilités sont nombreuses comme :

  • jouer D- dorien, c’est-à-dire la gamme de C sur un accord de D-
  • faire sonner un peu plus mineur avec le mode éolien (la gamme de F sur un accord de D-) ⇒ on fera apparaître le B à la place du B juste.
  • amener encore plus de minorité et de tension avec le mode phrygien (la gamme de Bb sur un accord de D-) ⇒ en plus du B, c’est le E♭ (la 9 mineure) qui apporte une forte couleur hispanisante
  • jouer mineure mélodique : on est bien sur du D- mais avec une 7° majeure qui apporte un côté musique classique assez intéressant
  • jouer mineur harmonique : toujours sur un D mineur, avec une 7° majeure, mais une sixte mineure qui donne un intervalle de 3 demi-tons entre 6♭ et 7M qui sonne très classique, oriental, néoclassique
  • ……

Les possibilités sont quasi infinies, L’oreille reste la seule juge dans l’opération.

Pour le second accord, le E♭, mêmes choses, sauf que l’accord dure 8 mesures au lieu de 16, ce qui laisse tout de même de quoi s’exprimer et passer par la palette qui vous plait le plus, quitte à changer de palette à chaque exposition pour garder l’attention de l’auditeur.

Pour conclure cette partie

Un peu dense, cette partie est pourtant fondamentale pour s’ouvrir à de nouvelles sonorités, de nouvelles couleurs sonores et découvrir des univers inconnus (qui pense à la gamme énigmatique par exemple ou au napolitain mineur quand il improvise ?).

L’idée est que vous ayez un socle, une palette la plus large possible pour vous exprimer et ne pas rester cantonné dans la gamme majeure/mineure relative ou juste les pentatoniques, même si elles peuvent, elles aussi, avoir de multiples utilisations modales.

Pour aller plus loin

Fini pour la partie théorie des gammes et des modes. Il y a déjà suffisamment pour faire.

La suite, c’est le rythme et l’accentuation : comment donner du relief à vos improvisations en accentuant les bonnes notes, en apportant de la légèreté grâce au placement rythmique, et comment concilier tout ça avec le débit de notes…

Bon travail ?

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